Les députés réunis en séance plénière, samedi 28 décembre, ont adopté le projet de loi de finances initiale de l’année prochaine, sans discuter du texte. Cette procédure est autorisée par l’article 86 alinéa 6 de la Constitution.
Le gouvernement étant tenu de faire adopter le projet de loi de finances initiale 2025 avant la fin de l’année en cours, il a estimé qu’il n’était plus possible de tenir le traditionnel « marathon budgétaire » dans le nombre de jours qui en restent.
Les séances plénières consacrées à l’examen des budgets alloués aux ministères et aux institutions durent en moyenne deux semaines. La dissolution de la 14e législature et l’organisation des élections législatives anticipées du 17 novembre ont retardé le « marathon budgétaire » de cette année.
« Les conditions dans lesquelles on a voté aujourd’hui ce budget, ce sont des conditions qui sont inacceptables. C’est une violation grave de notre Constitution », a jugé Abdou Mbow, député membre de la coalition Takku Wallu.
S’exprimant à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2025, il a rappelé que l’article 86 aliéna 6 de la Constitution « dit clairement que le Premier ministre peut engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale pour faire adopter une loi des finances, sauf s’il y a une motion de censure dans les vingt-quatre heures ».
Abdou Mbow estime que c’est le Premier ministre qui devait se présenter devant les députés pour engager la responsabilité du gouvernement.
« Le ministre des Finances et du Budget, membre du gouvernement, ne peut pas engager le gouvernement. La Constitution parle du Premier ministre, et non de son représentant », a précisé M. Mbow.
Il pense que ce gouvernement est en train de ‘’violer la Constitution’’.
Le député non inscrit, Thierno Alassane Sall, abonde dans le même sens. Selon lui, le gouvernement a ‘’fait du dilatoire’’ pour retarder l’examen de la loi de finances initiale.
« Ils ont fait du dilatoire [sur] la suppression du HCCT, du CESE en reportant la loi des finances rectificative jusqu’à ce qu’on arrive au 27 [décembre], sans avoir les séances », a-t-il souligné.Selon Thierno Alassane Sall, le gouvernement avait tout le temps pour faire voter la loi avec des débats.
M. Sall estime que « les séances plénières sont les plus essentielles, car elles permettent d’entrer en profondeur sur les problèmes du Sénégal ». Les deux parlementaires remarquent que c’est pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal qu’une loi de finances est votée sans débat.
Le ministre du Travail en charge des relations avec les institutions, Abass Fall, invoque les ‘’conditions extrêmement difficiles’’ dans lesquelles le projet de loi de finances initiale a atterri à l’hémicycle.
« Le projet de budget est venu en commission technique dans des conditions extrêmement difficiles et on a dû accélérer son examen pour être à jour. Au préalable, on avait même établi un calendrier qui pouvait nous permettre de passer en commission et de revenir en plénière », a-t-il fait savoir.
« Vous savez tous que ce n’est pas possible de tenir des séances plénière en vue de l’examen du budget de l’État, d’ici au 31 décembre prochain », a dit quant à lui le Premier ministre, Ousmane Sonko, en répondant aux questions des députés, lors de sa déclaration de politique générale, vendredi 27 décembre.
Dans le budget 2025 de l’État, les recettes sont arrêtées à 5.014,3 milliards de francs CFA, contre 4.915,2 milliards pour la LFI 2024. Quant aux dépenses, elles sont évaluées à 6.614,8 milliards, contre 5.755,4 milliards en 2024, indique un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Le budget 2025 connaît une hausse des recettes de 99,1 milliards, soit 2,0 %, selon ce document élaboré avec des données fournies par le ministère des Finances et du Budget. Les dépenses ont augmenté de 859,4 milliards, l’équivalent de 14,9 %.
Le budget 2025 est bâti sur une prévision de croissance de 8,8 %, contre 6,7 % en 2024, et un déficit budgétaire attendu à 7,08 %, contre 11,6 % en 2024, « avec l’objectif d’aller vers la consolidation budgétaire en 2027 et d’atteindre un déficit de 3 % du PIB, en respect des critères de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine ».
Les recettes du budget général sont arrêtées en 2025 à 4.794,6 milliards. La pression fiscale est projetée à 19,3 % du PIB pour 2025, contre 19,4 % au titre de la LFI 2024.
Les recettes des comptes spéciaux du Trésor sont arrêtées à 219,7 milliards pour 2025. Les dépenses du budget général sont programmées à 6.395,1 milliards pour l’année 2025, soit une progression de 861,2 milliards, soit 15,6 % par rapport à la LFI de 2024.
Les charges financières de la dette publique et la masse salariale devraient progresser respectivement de 13,1 % et 3 % pour s’établir à 932,1 milliards et 1.485,5 milliards en 2025.
Les dépenses d’investissement du budget 2025 sont estimées à 2.047 milliards, contre 1.836,3 milliards dans la LFI de 2024. Les dépenses des comptes spéciaux du Trésor sont programmées à 219,7 milliards pour 2025, contre 221,5 milliards en 2024.
S’agissant des moyens dévolus aux institutions constitutionnelles, le budget de la présidence de la République est arrêté à 78.609.617.404, contre 80.129.718.244 en 2024, celui de la Primature est fixé à 25.006.817.345 contre 25.723.322.360 en 2024.
Le budget de l’Assemblée nationale s’élève à 22.474.015.137 francs, contre 20.158.015.137 en 2024. Pour le Conseil constitutionnel, le budget est arrêté à 1.453.826.065 francs pour 2025, contre 1.755.705.000 en 2024, celui de la Cour suprême est fixé à 5.089.993.426, contre 6.979.625. 379 en 2024. Le budget de la Cour des comptes est programmé à 14.512.706.792 francs, contre 13.199.273.000 en 2024.
« Au titre des perspectives pour 2025, l’économie nationale devrait bénéficier d’une conjoncture internationale plus favorable, caractérisée par la détente anticipée des cours des produits de base, notamment le pétrole dont les cours mondiaux pourraient baisser de 10,4 %, entraînant un prix de 72,8 dollars le baril », indique le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Le même document ajoute que le taux de croissance du PIB réel est projeté à 8,8 % en 2025, contre […] 6,7 % en 2024. Cette croissance serait largement tirée par le secondaire (21,5 %) et, dans une moindre mesure, par les secteurs primaire (5,2%) et tertiaire (4,5%).